Par tempérament, je n’aime pas la censure ou les formes de contrôle lorsqu’il s’agit d’art et de création. Après tout, le film « bécassine » de Denis Podalydes est une œuvre de l’esprit, nul ne peut en douter. Mais une œuvre de quel esprit ? Là est toute la question.
Car il faut regarder derrière les œuvres, les valeurs profondes qui les animent ou ce qu’elles expriment de plus significatif.
J’invite tous ceux qui peuvent dire avec le réalisateur, « on se trompe de combat, ça n’a plus rien à voir avec avant » -sous- entendu, maintenant que le problème ne se pose plus car les Bécassines ne sont plus de ce monde, et que les Bretons sont devenus, à l’image des Parisiens, des êtres civilisés- à réfléchir à ce que nous dit vraiment Bécassine...
Bécassine nous dit qui domine et qui est dominé. Elle nous offre une représentation profondément hiérarchisée de la société :
-les hommes contre les femmes en situation d’asservissement,
-Les bourgeois contre les bouseux de nos campagnes,
-Les Parisiens éclairés contre les braves Provinciaux à décrotter encore et toujours malgré leurs progrès significatifs : parfois, on s’y tromperait tant les habitants de nos métropoles bretonnes ressemblent à leur modèle parisien.
Bécassine nous ramène à ce qui structure au plus profond la société française d’aujourd’hui. La république proclame l’égalité, mais elle demeure plus que jamais structurée autour d’une hiérarchisation féroce : les femmes sont moins payées que les hommes à travail égal, les bourgeois et les propriétaires s’enrichissent toujours davantage, la dépense publique se concentre toujours plus sur Paris au détriment de nos « provinces » dont la culture et les langues crèvent sous nos yeux, faute de volonté politique…
Mieux que personne, il revient à l’artiste de révéler l’impensé ou le non-dit sociétal, ce qui se cache derrière le droit et les principes affichés, soit les véritables rapports de domination que le fonctionnent normal de la vie politique ne peut affronter.
Mr Podalydes, je ne sais pourquoi vous avez choisi, une nouvelle fois, cette antienne du cinéma français, alors qu’il est tant d’autres sujets passionnants à traiter que le cinéma ignore depuis si longtemps, (je songe notamment à notre Histoire de Bretagne et à l’épisode du combat des Trente qui ferait un film magnifique !)
Le cinéma français est parisien, mais c’est plus fort que moi, je refuse de me faire une raison ! Mais je tenais à vous remercier de la pertinence de ce choix, car même si cela vous a échappé, il nous en dit tellement sur notre société.
Yvon OLLIVIER
Auteur, juriste