La Catalogne est particulièrement affectée par les conséquences de la pandémie Covid-19, dans ses hôpitaux et son système de santé qui sont sous tension, dans ses conséquences économiques car les activités comme le tourisme ont une grande importance, et aussi dans ses conséquences politiques car le contexte sanitaire a empêché jusqu’à présent de programmer des élections anticipées. Les nouvelles élections de la Generalitat, dont le président a été démis de ses fonctions le 28 septembre 2020, sont pour l’instant fixées au 14 février 2021. A moins que la situation sanitaire en décide autrement.
Le contexte de la crise sanitaire a mis comme un couvercle sur la crise politique en Catalogne. Les prisonniers politiques bouclent leur troisième année de détention, le gouvernement catalan est un gouvernement intérimaire depuis que Quim Torra a été destitué par la Cour Suprême espagnole au prétexte dérisoire d’une banderole demandant leur libération apposée en façade du bâtiment officiel de la Generalitat, tandis que les grandes démonstrations de force catalanes, particulièrement la Diada du 11 septembre 2020, ont dû être annulées en raison de l’épidémie.
Le socialiste Pedro Sanchez est arrivé au pouvoir à Madrid en janvier 2020, avec l’investiture la plus serrée jamais survenue en Espagne, 167 pour, 165 contre et 18 abstentions, dont celle des 13 parlementaires d’ERC, le parti indépendantiste catalan présidé par Oriol Junqueras emprisonné suite au procès de Madrid contre les indépendantistes catalans et sa condamnation à 13 années de prison.
Le gouvernement formé en janvier 2020 par les socialistes et Podemos est donc minoritaire et, pour bénéficier de l’abstention d’ERC qui lui donne une majorité relative, il s’est engagé sur la constitution d’une plate-forme de dialogue à propos de l’avenir de la Catalogne.
Cette plate-forme de dialogue n’a jamais pu être mise en place, en raison de l’épidémie, et aussi en raison de l’obstruction développée par le système judiciaire espagnol qui a instrumentalisé un prétexte pour obtenir la destitution du Président de la Generalitat, Quim Torra, membre de Junts per Catalunya, le parti de Carles Puigdemont. Dans le même temps, il a aboli les mesures d’assouplissement du régime carcéral qui avait été accordé aux principaux détenus catalans. Dans les deux cas, il a bénéficié de la complicité objective de la pandémie qui a fait que toutes les manifestations de protestation et de soutien étaient rendues impossibles.
Dans ce contexte étouffant, les élections de février seront importantes, avec un enjeu principal : les indépendantistes garderont-ils une majorité de députés à la Generalitat ? Sortiront-ils renforcés ou affaiblis ? Les derniers sondages parus leur sont favorables. Les trois formations indépendantistes, ERC (36-37 sièges), Junts per Catalunya (28-30 sièges) et la CUP (6-8 sièges) pourraient donc compter sur un minimum de 70 sièges et un maximum de 75 sièges, alors que la majorité absolue est de 68 sièges. Garder une représentation majoritaire au sein de la Generalitat est évidemment une nécessité politique de première importance.
D’autres enjeux politiques se joueront à Bruxelles. Depuis le 19 décembre 2019, grâce à une décision de la Cour de Justice de l’Union Européenne qui leur accorde le bénéfice de leur immunité parlementaire, Carles Puigdemont, Tonì Comin et Clara Ponsatì, tous trois poursuivis par la justice espagnole en tant que membres du gouvernement qui avait organisé le référendum d’autodétermination d’octobre 2017, siègent au Parlement Européen. Ce dernier a été saisi d’une demande de levée de leur immunité parlementaire en raison des poursuites engagées contre eux par la justice espagnole. Tout début 2021, cette question sera débattue en Commission des Affaires Juridiques, puis soumise à un vote du Parlement. Ce sera un débat capital.
Les espagnolistes cherchent à le verrouiller, à travers le Président espagnol de cette Commission (membre de Ciutadanos et donc du groupe Renew d’Emmanuel Macron). Cependant les députés européens des autres pays sont obligés de voir les choses avec un autre regard, en s’interrogeant aussi sur eux-mêmes car leur décision d’aujourd’hui pourrait bien les atteindre demain, dans leur propre pays, si un régime anti-démocratique y prenait le pouvoir.
Mais là encore les conditions liées à la crise sanitaire sont une hypothèque mise sur les débats qui sont désormais tous « à distance », via internet, sans permettre la multiplication des contacts individuels indispensables pour espérer remporter une majorité. La plupart des présidents des groupes sont otages de leur représentation espagnole, au Parti Populaire Européen, chez les Conservateurs avec Vox, au groupe libéral Renew avec Ciutadanos, et même chez les socialistes dont le groupe est présidé par une députée espagnole.
Nul doute qu’une mobilisation sera nécessaire à ce moment. Aux Comités de Solidarité avec la Catalogne de s’y préparer.
Ce communiqué est paru sur Le blog de François Alfonsi