Depuis quelques jours la presse régionale se fait l'écho d’une polémique au sujet de la mise en place par la Commission européenne d’un corridor maritime reliant l’Irlande à l’UE. Ce corridor existe déjà, c’est le corridor Mer du Nord – Méditerranée. Pour l’instant, il relie cependant l’Irlande au continent européen au travers du Royaume-Uni et il convient d’établir une liaison maritime directe entre l’Irlande et le continent après le Brexit, c’est à dire dès le 30 mars prochain. La critique porte sur l’ajustement au corridor proposé par la Commission européenne qui oublierait, selon des élus qui s’en inquiètent ou s’indignent, les ports bretons de Brest et Roscoff. Les propos sont alarmistes. Mais on pourrait aussi se poser la question pour Calais et Dunkerque.
Qu’en est-il exactement ?
A sept mois de l’échéance, le risque est sérieux que la sortie du Royaume Uni se fasse sans accord. A moins qu’un accord de retrait ratifié ne fixe une autre date, l'ensemble du droit primaire et secondaire de l'Union cessera de s’appliquer au Royaume-Uni à partir du 30 mars 2019.
Il y a donc urgence pour l’UE à 27 de mettre en œuvre un dispositif logistique immédiatement opérationnel et permettre à l’Irlande d’avoir des liaisons avec le continent.
L’impératif, et c’est la proposition de la Commission européenne, est d’assurer la continuité du corridor Mer du Nord - Méditerranée, entre l'Irlande et la partie continentale de l’Union. « La mesure est limitée et vise une solution à court terme. Elle s’appuie sur la base de flux de transports déjà existants », indique madame Violeta BULC, membre de la Commission européenne à Madame Elisabeth BORNE, Ministre chargée des Transports dans un courrier daté du 17 aout.
Cette proposition qui a pour objectif d'assurer la continuité du corridor et la connectivité de l’Irlande avec l’ Europe va faire l’objet de débats au Parlement européen et au Conseil de l’UE après que les avis du Comité des Régions et du Conseil économique, social et environnemental de l’UE auront été rendus.
Préparer l’avenir
Sur le point traité ici et pour la Commission, il s’agit de remédier au besoin immédiat de connexion et de continuité des flux de transport entre l’Irlande et le continent dès la sortie du royaume Uni. Cela ne peut se faire à court terme que sur la base des liaisons maritimes existantes entre l’Irlande et l’Europe continentale. Cela n’exclut pas en revanche la nécessité de penser l’avenir et d’envisager les liaisons et flux de transport plus durablement lorsque les modalités de la relation entre le Royaume-Uni et l’Irlande seront connues.
Les choses ne sont pas figées. Les ports bretons (et d’autres sur la Manche) ne pouvaient pas être pris en compte dans le cadre restreint de cette proposition car ils figurent sur le réseau transeuropéen global et pas sur le réseau central. Or, le Réseau transeuropéen de transport sera révisé au plus tard en 2023. L’analyse menant à cette révision sera engagée avant et prendra en compte les éventuelles évolutions de trafic résultant de la sortie du Royaume Uni. La France pourra alors présenter des demandes visant à inclure les ports bretons inclure si les trafics se sont développés.
A ce stade, il ne s’agit pas, de remettre en cause l'alignement d'autres corridors ou la définition du réseau transeuropéen de transport (RTE-T) dans son ensemble. On le sait aussi, ce n’est pas en six mois que l’on peut transformer les infrastructures. A moyen ou long terme, il est possible que les flux de transport changent et des adaptations ultérieures seront alors nécessaires.
En aucun cas les liaisons maritimes existantes entre Roscoff et Cork ne sont remises en question, contrairement à ce que pourraient laisser penser certaines prises de positions.
Une chose semble bien claire. Il n’y a pas de changement pour l’accès aux financements européens. Les ports de Brest et de Roscoff présentent sans doute un réel potentiel au cœur de relations entre l’Irlande et l’Union européenne. Ils peuvent saisir l’opportunité qui se présente et se positionner sur un projet du type « autoroute de la mer » développé avec des ports du réseau central en Irlande.
On peut penser, mais ce n’est qu’un exemple, à une relation entre, l’Irlande et l’Italie. Il faudra pour cela développer de nouvelles connexions logistiques. Une première chose à faire serait, pour le gouvernement, si cela n’a pas encore été fait, d'engager les discussions avec les autorités irlandaises. Ce sont eux qui vont décider des meilleures routes pour garantir leur accès.
Au-delà de l’urgence du Brexit, Il appartient maintenant à la Région Bretagne, à Brest Métropole, aux collectivités et organisations concernées de se positionner sur une stratégie cohérente à moyen et long terme afin de proposer des projets innovants, durables susceptibles de renforcer la place des ports bretons, d’améliorer leur desserte terrestre aussi, celles existantes et éventuellement de bénéficier soutiens européens.
Emmanuel Morucci
Conférencier pour la Commission européenne
Membre de du réseau team Europe-France.