Bloavezh mat de la part de tous les membres de Breizh Europa, mes meilleurs voeux à toutes et à tous. En ce début 2017, j’ai beaucoup tardé à souhaiter la bonne année car vouloir le meilleur pour les siens est nécessairement lié à la Bretagne. Or, je ne peux envisager le meilleur pour mes proches, pour les Bretons et les amis de notre pays en l’absence d’une Bretagne réunifiée et prospère. Mais si ce n’est de droit en 2017, notre Bretagne peut-elle exister de fait ?
La réunification est évidemment la condition incontournable d’une bonne dynamique économique retrouvée, comme l’est, aux yeux de Breizh Europa, la nécessaire responsabilisation des citoyens grâce à une autonomie régionale impulsée au quotidien par les Bretons eux-mêmes et non octroyée par Paris. Paris ne donnera rien car l’État français est devenu un géant aux pieds d’argile aux aguets, qui craint plus que de raison des régions fortes, pourtant gages d’un apaisement au sein d’une société française fracturée et socles solides d’une économie plus prometteuse. Nous l’affirmons car nous l’avons constaté en Europe, des régions autonomes dans leur gestion - c’est-à-dire avec un Parlement régional aux élus de proximité informés et clairement identifiés par la population, doté de larges prérogatives et destinataire amplement des subsides de l’imposition - sont plus efficaces, réactives aux problèmes ou aux opportunités sur les plans social et économique. Or, ces régions-là ne sont évoquées et défendues que dans un seul des programmes des candidats à la présidentielle, celui de Christian Troadec. C’est la raison pour laquelle Breizh Europa soutient le candidat des régions et donc de la reprise économique. Le Mouvement espère que le maire de Carhaix va obtenir ses 500 signatures, malgré l’ostracisme répandu chez certains média nationaux lorsqu'il ne s’agit pas d’un candidat ancré dans un appareil de parti à la française. Malgré aussi, on l’imagine, les pressions éventuelles (liées aux investitures pour les législatives) auprès des soutiens potentiels du Breton.
Aussi pour la Bretagne, l’année 2017 s’annonce bien terne car, à l’évidence, rien ne bougera. Et ce n’est pas la présidentielle en mai, des législatives en juin ou une manifestation pour la réunification - qu’il faut tout de même souhaiter réussie - en septembre qui changeront la donne. Bien sûr il ne s’agit pas pour les Bretons de se figer dans l’immobilisme politique et la désespérance sociale. Il s’agit de s’organiser autrement, de contourner un système jacobin qui ne les reconnaît pas et qui entrevoit définitivement la Bretagne comme un fief français dont les élus viennent fréquemment prêter allégeance au pouvoir parisien après chaque élection remportée, gagnée même parfois grâce à un projet breton mis en avant le temps d’une campagne et vite oublié ensuite. Tous les élus n’agissent évidemment pas de la sorte et beaucoup sont sincères et s’activent amplement pour la Bretagne. Cependant, certains politiques confondent peu à peu faire carrière pour défendre les intérêts de leur région - ils ont été élus pour cela - et faire carrière pour… faire carrière. Ou alors Paris fait tourner bien des têtes ? On imagine aisément bon nombre de déconvenues parmi quelques citoyens bretons, en tous les cas pour ceux – quelles que soient leurs opinions politiques - qui se sentent concernés par le devenir de leur région.
Breizh Europa est un mouvement politique qui oeuvre pour l’autonomie des régions et un fédéralisme européen. Le Mouvement travaille activement sur son projet qu’il compte présenter aux électeurs bretons lors des prochaines Municipales. Plus largement, de nombreux militants sont impliqués en politique dans différents partis mais force est de constater que, désormais, cela ne suffit plus. En effet, si le civisme politique perd de sa superbe - l’abstentionnisme se propage et les abus au sein de la caste politique française aussi - une autre forme de civisme se développe et particulièrement en Bretagne, région au tissu associatif dense. Ainsi, l’association Produit en Bretagne travaille à l’échelle B5 en faisant la nique à ce découpage administratif arbitraire qui prive la région de son département atlantique. Et tant d’autres associations, les amicales, les centres culturels, la Maison de la Bretagne, les cercles celtiques, les organisations des Bretons de la diaspora font de même. N’oublions pas non plus toutes ces initiatives individuelles qui vont de l’autocollant B5 sur la voiture jusqu'aux cartes de la Bretagne à 5 départements dans les salles de classe de géographie. Inondons le paysage des symboles de nos convictions pour éduquer à la Bretagne qu’on tente de nous voler, pour le moment encore en vain !
Éduquer est la clé de l’émancipation des hommes et donc de la prospérité de la Bretagne. Pour cela, les professeurs doivent s’impliquer davantage et ce, quelles que soient leurs sensibilités politiques, car il s’agit là de la question de la cohésion sociale, du défi environnemental et du respect de la démocratie au sein de la supposée patrie des droits de l’homme et du citoyen. Encore faut-il que ces mêmes enseignants soient eux aussi éduqués, connaisseurs du territoire breton et de son histoire, mais aussi de la particularité jacobine de l’État français. Les mutations des enseignants sont d’ordre national et les jeunes professeurs sont par conséquent des déracinés de leurs territoires d’origine, méconnaissant l’histoire, la géographie de la région qui les accueille. Que transmettre alors à l’enfant sinon sinon une vague connaissance des espaces lointains ou une vision hors-sol de l’organisation de l’espace français ? C’est la raison pour laquelle Breizh Europa souhaite l’organisation d’un colloque (hiver 2017) sur l’enseignement de l’Histoire de la Bretagne, colloque à destination des enseignants mais aussi de tous les publics. L’objectif n’est bien entendu pas politique et pour cela Breizh Europa devra s’effacer. Il s’agit seulement d’éduquer dans un but d’apaisement, de réconciliation, et de respect de l’environnement. En effet, on ne peut respecter autrui et sa différence que si l’on sait d’où l’on vient. On ne peut respecter son environnement (souvent malmené en Bretagne) qu’à la condition de l’aimer. Or, pour aimer et protéger il faut connaître. D’où l’importance de l’enseignement de la géographie et de l’histoire. Enfin, pour que l’apaisement gagne une population parfois tentée par les extrêmes, il faut que celle-ci ait le sentiment d’être respectée, d’être entendue et c’est loin d’être le cas quand on sait qu’une majorité de Bretons s’exprime chaque année en faveur de la Bretagne réunifiée.
Les populations d’origine celtique sont fréquemment décrites comme enthousiastes, idéalistes mais aussi assez velléitaires. Est-ce une vue de l’esprit ? Peu importe car c’est en des Bretons à la nature peu commune parmi les populations de France que nous croyons. Des Bretons à nouveau connectés à l’histoire de leur territoire, des Bretons convaincus par la nécessité de vivre la Bretagne unifiée par eux-mêmes pour que la région décolle économiquement. Nous croyons en des Bretons éduqués mais au-delà des premières places aux examens nationaux, des hommes qui n’ignorent plus l’originalité de leur territoire, grâce à leur curiosité naturelle réveillée à nouveau par les rares médias attentifs aux réels enjeux pour la Bretagne, par l’action répétée des associations, des particuliers. C’est par ce réveil en douceur, mais déterminé, de ses hommes –réveil qui ne date pas de 2017 mais qui peut et doit s’amplifier - que la Bretagne sera réussie et de facto réunie.
Caroline Ollivro, présidente deBreizh Europa