Un communiqué publié le 31 octobre sur le site de l'Agence Bretagne Presse met en cause l'association Bretagne Culture Diversité (BCD) que je préside. Par delà son titre quelque peu excessif (« B.C.D. : vie associative militante de la Bretagne… D.C.D ! »), ce texte exprime l'inquiétude de quelques anciens du mouvement breton. Je voudrais donc y répondre, non par esprit polémique mais afin de rassurer ses auteurs et ses lecteurs.
Politique
Sur un plan politique, ce communiqué exprime, d'une part, la crainte que l'association BCD soit « instrumentalisée » et, d'autre part, le regret que la Charte culturelle se trouve « détricotée » par la politique régionale actuelle. Il est exact, en effet, que toute structure subventionnée court le risque d'être instrumentalisée par son (ou ses) bailleurs de fond. En quoi, cependant, une initiative prise par l'État français — la charte culturelle fut accordée par le président de la République — serait-elle nécessairement une meilleure garantie d'indépendance qu'une initiative émanant du Conseil régional de Bretagne ?
Les rédacteurs du communiqué font en outre part, à plusieurs reprises, de leur inquiétude pour « l'indépendance » tant de BCD que des associations qui la rejoindront. Cette préoccupation d'indépendance est louable. Toutefois, c'est précisément depuis la fin des années 1970 et la Charte culturelle que la plupart des composantes du mouvement breton ont fait le double choix de concentrer leurs efforts sur la culture (plutôt que sur la politique) et de se laisser subventionner. On a même parfois dit que, dans un contexte marqué par les attentats, Valery Giscard d'Estaing avait voulu acheter la paix sociale en Bretagne à l'aide de la Charte culturelle. Cette analyse est peut-être osée ; néanmoins, BCD ne peut être tenue pour responsable d'une évolution qui précède sa naissance d'une trentaine d'années.
En ce qui concerne véritablement BCD, ce sera à son conseil d'administration de montrer son indépendance par sa liberté de choix. C'est lui qui définira la ligne stratégique de l'association et veillera à son application. Les bailleurs de fond de l'association seront représentés par un conseil de surveillance dont la mission consistera à vérifier que l'association est bien gérée et que son action est conforme à ses objectifs. Quant aux associations qui rejoindront BCD, elles ne s'y affilieront pas : BCD est, en effet, un instrument destiné à servir les associations bretonnes qui travaillent dans le domaine de la culture bretonne et non à les chapeauter ; chacune pourra donc s'exprimer en toute liberté. Quant à savoir ce qu'il adviendra demain des budgets de BCD, peut-être est-il un peu tôt pour s'en inquiéter, alors que l'association vient à peine de naître ? Le risque existe certes toujours, lorsqu'on accepte d'être financé, de voir son financement un jour réduit ou supprimé. Si, en raison d'une démarche trop indépendante, le conseil d'administration de BCD devait, un jour, subir une telle sanction, ce serait rendu public et chacun pourrait en tirer toutes les conséquences.
Composition
Le communiqué du 31 octobre contient, en outre, une mise en cause peu amène d'un membre du conseil d'administration de l'association : « Le fait qu'au nombre des membres du Conseil d'administration figure certaine personne qui a trop souvent démontré, par ses attaques publiques, souvent diffamatoires, son mépris à l'égard des acteurs et militants bretons, semble prouver l'existence d'une orientation de nature à porter atteinte au respect de la diversité ».
Outre que le procédé de l'attaque personnelle est inélégant et désobligeant, le propos est, pour le moins, irréaliste. Qui peut croire qu'une personne seule serait en mesure de dénaturer les choix d'un conseil d'administration composé de quatorze membres ? Il faudrait que cette personne soit une véritable terreur et que ses collègues soient de singuliers poltrons ! Voici la liste des membres du conseil d'administration de BCD ; les lecteurs jugeront :
Ronan Le Coadic, membre fondateur, président ;
Jean Jacques Monnier, membre fondateur, secrétaire ;
Philippe Ramel, membre fondateur, trésorier
Marthe Vassallo, membre fondateur
L'Ina Atlantique, représenté par Christine Angoujard, membre fondateur
Bodadeg ar Sonerion, représentée par André Quéffélec
Le Centre de Recherche Bretonne et Celtique, représenté par Philippe Jarnoux
La Cinémathèque de Bretagne, représentée par Erwan Moalic
La Confédération FALSAB, représentée par Paul Nicolas
Dastum, représenté par Ronan Gueblez
La Fédération Régionale pour la Culture et le Patrimoine Maritimes en Bretagne, représentée par Paul Robert-Kerouedan
Gouelioù Breizh, représenté par Hervé Sanquer
Kendalc'h, représenté par Jean Guého
Tamm Kreiz, représenté par Jérôme Floury
Enfin, le troisième domaine d'inquiétude des rédacteurs du communiqué concerne la gestion de l'association.
Gestion
Trois craintes sont exprimées dans le communiqué à propos du mode de fonctionnement de BCD. Examinons-les l'une après l'autre.
Les associations qui rejoindront BCD ne risquent-elles pas d'être « absorbées » par cette structure ? La préoccupation est légitime. Toutefois, BCD n'est pas conçue pour être une fédération regroupant de nombreux militants actifs mais un outil au service des autres associations. Les membres de BCD ne se réuniront que deux fois l'an, lors des assemblées générales ; ils ne seront donc pas épuisés par leur participation à cette structure. Seul le conseil d'administration se réunira fréquemment, pour prendre les décisions stratégiques et veiller à leur application. Pour le reste, ce sont les salariés de l'association qui exécuteront ces décisions, au service du monde associatif breton et en partenariat avec lui.
« Quelle sera la part de l'initiative, de la création ? » Elle sera essentielle et constituera le fondement de l'activité de BCD. En revanche, tout ne pourra pas se faire tout de suite. Le conseil d'administration aura donc la lourde tâche de sélectionner les projets qui lui paraîtront les plus judicieux et de les classer par ordre de priorité. Nul doute que cela occasionnera quelque frustration. Néanmoins, il s'efforcera d'agir de façon indépendante, juste et transparente.
« Quelles seront les clés de répartition de la dotation globale proposée aux associations affiliées… et à celles non mises sous tutelle ? N'y a-t-il pas là un risque de générer une concurrence insidieuse entre elles ? » Il n'y aura pas d'association sous tutelle car BCD sera un outil au service du monde associatif et non un organisme de contrôle. Il n'y aura pas, non plus, de « clé de répartition de la dotation » car BCD ne sera pas un guichet à subventions (cf. Déclaration d'intention des membres fondateurs de BCD sur www.bcdiv.org) et que son conseil d'administration veillera à ce que les subventions accordées à BCD ne se traduisent pas par des diminutions de subventions pour d'autres associations. En revanche, le risque de concurrence ne peut pas être écarté a priori car il est naturel que chacun veuille défendre les projets auquel il croit et pour lesquels il a travaillé. J'espère, néanmoins, que nous, membres du conseil d'administration, saurons être clairvoyants et pédagogues, c'est-à-dire que nous parviendrons à bâtir ensemble une vision collective et de long terme pour la Bretagne et à l'expliquer à nos partenaires.
Le communiqué du 31 octobre évoque, enfin, des craintes quant à l'objet de l'association, qui pourrait « rejoindre une forme d'intégrisme qui magnifie l'uniformité et nie la richesse des identités ». Ceci paraît incompréhensible quand on lit l'objet de l'association :
« L'association a pour objet de favoriser la promotion et la diffusion de la matière culturelle et des savoirs de Bretagne ainsi que de la diversité culturelle, à l'échelle des cinq départements de la Bretagne historique, notamment à partir des objectifs suivants :
– réaliser un inventaire permanent du patrimoine culturel immatériel breton ;
– mettre en œuvre un vaste plan de diffusion et de vulgarisation de la matière culturelle et des savoirs de Bretagne ;
– favoriser l'accessibilité et la valorisation des contenus culturels et scientifiques relatifs à la Bretagne, en particulier par le biais des technologies de l'information et de la communication ;
– promouvoir la diversité culturelle. »
Le sens dans lequel les mots « Bretagne », « culture » et « diversité » sont employés a été précisé dans la Déclaration d'intention des membres fondateurs de BCD, déjà citée et disponible sur www.bcdiv.org
En conclusion, seul l'avenir nous dira si Bretagne culture diversité est utile ou non. Mais nous ferons de notre mieux, dans un esprit constructif et ouvert, et invitons toutes les bonnes volontés à nous rejoindre.
Ronan Le Coadic
Président de Bretagne culture diversité (BCD)