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photo du colloque de carhaix
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- Chronique -
Autonomie de la Bretagne : que le peuple s'invite dans le débat !
Si nous voulons l'autonomie politique de la Bretagne, le peuple doit s'inviter dans le débat malgré les préventions des élus au conseil régional. Si nous laissons aux élus le monopole du débat, rien ne sortira de concret pour la Bretagne et surtout pas l'autonomie législative, la seule qui vaille.
Par Yvon Ollivier pour Y.O le 9/11/22 20:37

Le 19 novembre prochain nous nous rassemblerons à Carhaix pour réfléchir à l’autonomie de la Bretagne. Il s’agit d’une initiative qui vient de la base ou, si l’on préfère, du peuple qui se sent concerné par son devenir, alors même qu’un processus d’autonomisation est lancé concernant la Corse et que le Conseil régional de Bretagne s’est prononcé en faveur de l’autonomie législative et fiscale en avril dernier, dans le cadre d’un vœu présenté par Aziliz Gouez.

Cette initiative populaire n’a pas été appréciée par les élus de la région qui ne seront pas présents. Un tract maladroit a servi de prétexte.

Nombre de ces élus, comme Christian Guyonvarc’h , considèrent qu’il faut laisser les élus travailler librement au sein du groupe de travail et que la communication sur ses travaux doit être laissée à l’appréciation et selon les formes dictées par la "région", « sous la supervision du groupe de travail ».

Doit-on vraiment laisser le peuple en dehors du débat qui le concerne au premier chef ? La première manifestation d’autonomie pour un peuple ne consisterait-elle pas à s’emparer du débat ? La question me semble essentielle.

Renoncer au débat voudrait dire laisser manœuvrer librement Loïg Chesnais-Girard et je ne vois pas pourquoi nous devrions lui faire ce cadeau. Depuis le vote du vœu en avril dernier, celui-ci multiplie les gages d’apaisement à l’égard de ses amis socialistes jacobins en rejetant toute perspective d’autonomie législative et de modification de la Constitution.

Je suis respectueux de l’avis de chacun mais je ne peux m’empêcher de relever ici une erreur grossière d’analyse. Si l’on veut émanciper la Bretagne par l’autonomie législative -la seule qui vaille-le peuple doit s’inviter à la cause.

Souvenons-nous de la réforme territoriale de 2014 qui vit le rejet de la réunification de la Bretagne. Malgré de belles manifestations, le peuple breton n’a pas réussi à peser suffisamment au moment où il le fallait et a laissé faire les députés socialistes qui se sont accordés à son détriment. Pas de fusion grand ouest permettant à Jean-Yves Le Drian de s’ériger en défenseur de la Bretagne, mais statu quo au détriment de notre vieux pays. Nous en payons toujours le prix aujourd’hui.

Et nous laisserions le monopole du débat aux élus régionaux alors même que le personnage clé de cette histoire, le socialiste Loïg Chesnais-Girard, a opéré une nette reculade dans les médias ? On ne gagne pas une bataille avec un chef qui ne veut pas combattre.

Ne soyons pas naïfs. Le système centralisateur français est d’une cohérence juridique et philosophique redoutable. Il repose désormais sur les artifices décentralisateurs, voire sur des formes d’habilitation ou d’expérimentation qui ne fonctionnent pas en raison des blocages de la technocratie. On est dans le « faire croire » et le statut particulier concédé à la Corse est une réussite sur ce plan. Les Corses ont vite compris et veulent désormais l’autonomie pleine et entière en matière législative.

Le nœud du problème est le principe de la souveraineté nationale indivisible qui s’exprime dans la loi, domaine des affaires essentielles. Le règlement est toujours secondaire et résiduel en droit français.

Il nous est essentiel de retrouver une compétence législative pour décider des choses importantes qui ne concernent que nous et obtenir l’autonomie budgétaire et fiscale qui bénéficie aujourd’hui aux grandes « régions » d’Europe, soit un budget vingt fois plus important. L’avenir de la Bretagne en dépend, je dirais même sa survie en tant qu’entité distincte. Nous prenons la direction des poubelles de l’histoire et arrivera bientôt le moment où nous n’aurons plus l’énergie suffisante pour relever la tête.

Le risque est grand de voir le Conseil régional de Bretagne tenter de nous faire passer pour de l’autonomie ce qui ne sera jamais qu’un artifice de plus, comme une forme d’habilitation règlementaire ou législative qui, bien sûr, ne fonctionnera pas, et viendra légitimer un système jacobin en perdition.

Pour faire sauter ce nœud, modifier la Constitution et obtenir le partage de souveraineté ou la part d’imperium qui nous revient, c’est une révolution copernicienne qu’il faudra et une volonté politique qui n’existe manifestement pas aujourd’hui. En la matière, il n’est pas de demi-mesure. C’est la raison pour laquelle le peuple doit s’emparer du débat au plus vite et d’une manière totalement libre, pour débattre, s’informer, se prononcer, convaincre et pousser.

Nos élus à la région ne réussiront jamais à bouleverser le fonctionnement du système centralisateur sans l’aide du peuple. Pour qu’un système juridico-politique évolue dans la profondeur, il faut une crise institutionnelle grave ou une forte réaction populaire. Nos élus sont dans le système. Ils sont rares ceux qui recèlent l’idée d’un changement de cadre ou d’univers.

On nous répondra que la région va organiser un débat avec la société civile « sous la supervision du groupe de travail ». Je veux bien mais dans quelles conditions ? S’il s’agit, comme nous pouvons le penser, d’une information descendante, avec le soutien des intellectuels et universitaires acquis au système, je ne pense pas que j’y participerai. C’est l’avenir de mon pays qui m’intéresse, pas la communication institutionnelle de la « région Bretagne ».

Bien sûr, je peux me tromper. Nous en reparlerons dans deux ou trois années pour en dresser le bilan.

Yvon Ollivier

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