Charles de Gaulle (Valenciennes, 1837 - Paris, 1880) n'a jamais connu son neveu Charles de Gaulle (Lille, 1890 - Colombey-les-Deux-Églises, 1970), mais il lui a laissé son prénom. C'est en mémoire de son oncle que le futur chef de la France Libre fut en effet prénommé Charles. Et quand le général de Gaulle, président de la République, décida, à la surprise générale, de prononcer quelques phrases en breton lors de son fameux discours de Quimper, le 2 février 1969, c'est une strophe d'un poème écrit par son oncle en 1864 qu'il déclama :
"Va c'horf 'zo dalc'het
Met davedoc'h e nij va spered
'Vel ul labous, a denn askell,
Nij da gavout e vreudeur a bell."
Mon corps est retenu
Mais vers vous vole mon esprit
Comme l'oiseau à tire d'aile
Vole pour retrouver ses frères au loin.
Les deux Charles de Gaulle avaient principalement des ancêtres originaires des Flandres françaises, mais un peu de sang irlandais coulait aussi dans leurs veines : ils descendaient en effet d'un Mac Cartan, gentilhomme irlandais passé au service de la France après la défaite de la Boyne. Ils n'avaient aucune attache familiale avec la Bretagne et pourtant l'oncle du général fut un barde breton connu, signant ses poèmes du nom de Charlez a Vro C'hall et lié d'amitié avec tous les défenseurs de la langue et de l'identité bretonnes de son temps. Le premier Charles de Gaulle fut un collégien très brillant et plein de promesses qu'une cruelle maladie priva de l'usage de ses jambes à la sortie de l'adolescence.
Condamné à vivre dans un fauteuil, le jeune homme supporta cette épreuve avec un courage et une énergie magnifiques. Loin de se replier sur lui-même, il trouva dans la cause celtique un champ d'action qui lui permit d'entrer en relations avec de nombreux savants, érudits et écrivains à travers l'Europe. Il se mit à apprendre le breton et le gallois, entretint une abondante correspondance avec beaucoup de ses contemporains, exerça la responsabilités de secrétaire de la Société des poètes bretons Breuriez Breiz et lança de nombreuses initiatives, dont celle d'un congrès interceltique qu'il contribua largement à mettre sur pied avec Anatole Le Braz et Théodore Hersart de La Villemarqué sans quitter sa chambre de la rue de Vaugirard à Paris.
Le Congrès celtique de Saint-Brieuc qui eut lieu en octobre 1867 allait être le premier grand rassemblement interceltique de l'histoire et c'est Charles de Gaulle qui assura la préparation de ses actes, sans avoir pu lui-même y participer, mais en rassemblant les notes et contributions de nombreux participants. Grâce à lui, on a pu conserver le souvenir détaillé et précis du déroulement de ce congrès.
La période de la Commune de Paris, marquée par une terrible disette, fut très dure pour Charles de Gaulle, dont la santé alla par ailleurs en se dégradant de plus en plus. Il supporta sa peine avec une belle grandeur d'âme et mourut le 1er janvier 1880 à 43 ans. Son souvenir reste toujours vivant 126 ans plus tard parmi tous ceux qui partagent son idéal celtique.
Bernard Le Nail
Philippe Argouarch