Un petit village peuplé d'irréductibles Gaulois ?... Non, un petit village breton peuplé d'irréductibles Bretons, résiste encore et toujours aux opérations subtiles et silencieuses de débretonisation du département de Loire-Atlantique qui, comme chacun sait, ne fait pas partie de la Bretagne administrative, mais d'une région « Pays de la Loire » créée de toutes pièces en 1957 avec les anciennes provinces de l'Anjou, du Maine et de l'ancien comté nantais qui faisait partie de la Bretagne depuis plus de 1000 ans.
Ce village est La Remaudière, tout près de la perle bretonne de Clisson, ce trésor historique fabuleux et méconnu, qui gardait d'antan le duché des invasions françaises. La Remaudière est au coeur du Vignoble Nantais, pas très loin du Maine-et-Loire (ancienne province de l'Anjou comme son nom ne l'indique pas).
En 2008, c'est Alan Coraud qui en est devenu le maire devançant 5 autres listes. Son premier acte, hautement symbolique, fut de hisser un Gwenn ha Du au fronton de la mairie. Approuvé d'ailleurs par l'ensemble des conseillers municipaux sauf un, nous précise Alan.
Coraud menait son combat pour sauver l'âme bretonne du Vignoble Nantais depuis déjà longtemps. Son nouveau mandat légitimise un peu plus sa vision des choses et donne plus d'aura à l'identité qu'il défend. Tout spécialement, il se bat pour conserver le label Muscadet, vin breton. Il refuse l'appellation « Val de Loire » qu'on essaye d'imposer aux viticulteurs du vignoble. Il avoue que "le Muscadet est dans une crise sans précédent à cause de sa perte d'identité, d'image, de référence à l'Océan, le Massif Armoricain, Le Pays Nantais , la Bretagne ....bref tout ce qui a fait son succès en Europe et dans une moindre mesure en France sauf les Bretons de Paris et de Bretagne qui s'identifiaient à leur vin ".
D'ailleurs il n'hésite pas à préciser que le NON est possible comme pour les paludiers de Guérande ou les professionnels du tourisme en Loire-Atlantique, qui ont bien compris ce qu'ils avaient à perdre s'ils abandonnaient, comme on le leur demandait, le label « Bretagne » – pour un vague et vide de sens « Pays de la Loire ». Malheureusement la majorité des viticulteurs du Vignoble Nantais « n'ont pas senti venir le danger » déplore Alan Coraud.
Alan place son combat sur le plan de la démocratie, pas sur celui du nationalisme. Il ne s'agit pas d'une lutte entre deux identités précise-t-il, mais d'un combat entre les démocrates et les républicains. Bien sûr, il ne s'agit pas là de « démocrates » et de « républicains » à la sauce américaine, mais bien du nouveau clivage de l'hexagone qui, progressivement, remplace l'ancienne gauche-droite.
Pour Alan, les républicains sont les partisans du système français, dit « jacobin », ce sont ceux qui parlent constamment des valeurs de la république mais qui ne font que défendre un ensemble de privilèges établis par une région, l'Île-de-France, qui a réussi à imposer sa langue, son droit, sa culture et surtout la subordination du reste du territoire à ses propres intérêts. Ce sont souvent de simples nationalistes français déguisés nous explique Alan – qui vient aussi de l'expliquer à un journaliste de L'Express venu tout spécialement l'interviewer à La Remaudière..
« Moi je suis un démocrate », affirme le Maire de la Rémaudière. Les démocrates étant ceux qui croient au respect du droit des minorités et à la dévolution, ceux qui croient en une démocratie véritable des citoyens, représentés par d'autres citoyens sans cumul de mandats, et consultés régulièrement par référendums à tous les échelons des collectivités. Là est la force tranquille du maire : sa conviction de se battre pour la démocratie. Conscient de faire avancer les choses, il admet que s'il s'était présenté sous l'étiquette d'un parti breton, il n'aurait pas été élu. Il regrette cette situation mais explique que ce n'est pas nécessaire pour agir. Il y a en effet des choses qui ne peuvent pas attendre.
Philippe Argouarch