Georges Brassens a brocardé dans une chanson, «ceux qui sont nés quelque part», mais, il visait ceux qui ramènent tout à leur lieu de naissance, car ce Sètois, très parisien, et, aussi, un amoureux estival de la Bretagne, n'a pas manqué de rentrer au pays pour y mourir et s'y faire inhumer.
Récemment décédé, le réalisateur de cinéma, Alain Resnais, né à Vannes d'une famille petite-bourgeoise, dut quitter sa région natale à l'adolescence pour ne plus subir de terribles crises d'asthme. Pourquoi, l'asthme peut-il être si aigu en Bretagne? Affaire de vents qui dissémine les pollens et d'humidité dans les maisons qui favorise les allergènes.
Le paradoxe est que ces souffrances expliquent, pour une part, l'extrême sensibilité de notre futur artiste, tant il est fréquent que chez le «génie», la maladie soit un aiguillon de la création artistique. Et les exemples de manquent pas : les «folies» respectives de Van Gogh, Verlaine ou Nietsche, la surdité de Beethoven et la syphilis de Baudelaire, sans compter les «failles» cachées révélées par les comportements de prédateurs sexuels chez les Victor Hugo et autres Maupassant.
Entré à l'Institut des Hautes études cinématographiques (IDHEC), ouvert en 1944, quelques mois avant la Libération de Paris, Alain Resnais, 21 ans, y perfectionne un art de manier la caméra, acquis dès l'âge de 13 ans, et y acquiert une science du montage cinéma qui lui autorisera une grande virtuosité dramatique, tant dans la fiction que le documentaire.
Sa carrière exclusivement parisienne (95% du cinéma français est concentré dans la capitale) et sa réticence à revenir dans une Bretagne qui lui rappelait ses dures années d'enfance empêchent-t'ils de qualifier le fils du maire de Treffléan de grand cinéaste breton? Certainement pas, car Breton n'est pas une appellation contrôlée et on serait même surpris du nombre de grands Bretons qui sont nés et ont vécu hors de Bretagne.
Peut-on ainsi douter du fait qu'Yves Tanguy, né à Paris, d'un marin militaire breton, soit l'un des plus grands peintres bretons, lui qui accueillait les frères Jacques et Pierre Prévert, ainsi que Salvador Dali, dans sa maison familiale de Locronan, avant de partir s'établir aux Etats-Unis en 1939 pour y mourir en 1955?
Parmi les nombreux films d'Alain Resnais, tous magnifiques, on pointera le tout premier, un court métrage d'étudiant, «Quand les statues meurent», qui met en avant le regard discriminant des Européens sur les arts venus d'Afrique. «Loin du Viet-Nam», avec d'autres réalisateurs, est un moment où l'art et les convulsions politiques se rejoignent, tandis que «Mon oncle d'Amérique» est tourné dans le joli cadre du Golfe du Morbihan et de l'île de la Grande Logoden (La Grande Souris), le réalisateur ayant bien voulu y affronter ses mauvais souvenirs.
Avec Yves Tanguy et Alain Resnais, la Bretagne peut, sans forfanterie et sans exagération, signaler qu'elle contribue à la création de haut niveau dans le Monde.
Alain Resnais (1922-2014) a signé 18 long-métrages, dont les plus admirés ont été : Nuit et brouillard (documentaire), Hiroshima mon amour, L'Année dernière à Marienbad, Muriel, La vie est un roman, On connaît la chanson.
Christian Rogel