Après le grand coup de balai, certainement salutaire, du premier tour des législatives, le deuxième tour a accouché d’un record d’abstention, 57,3 % ! Quelle va être la légitimité de ce nouveau Parlement avec des députés élus avec une participation aussi faible ? Elle sera évidemment mise en question mais il est surtout temps de se demander où va, et même d’où vient, un pays où la structure démocratique est aussi chancelante, puisque le vote est bien au cœur du processus démocratique.
Le dimanche du second tour, le Président de la République, après avoir été voté, a fait une visite en hélicoptère au Mont Valérien, pour rendre hommage au Général De Gaulle et à la résistance bien sûr, mais aussi pour tenter d’incarner au mieux cette fonction présidentielle dont les Français semblent regretter ceux qui l’ont habitée par le passé.
Le passé, encore le passé, mais qu’est-ce donc un pays où l’on vote de moins en moins et où l’on passe de plus en plus de temps à commémorer, ici et là, à longueur d’année, tel ou tel souvenir glorieux, après avoir fait le tri bien sûr avec les souvenirs beaucoup moins glorieux ? Manquerait-on de vision pour l’avenir, manquerait-on à nouveau de repères pour relier les citoyens entre eux ? Aurait-on un problème pour faire vivre le principe spirituel si cher au Breton Ernest Renan dans son discours « qu’est-ce qu’une nation » ? Discours qui a servi longtemps à la justification de la nation par contrat social à la base du pacte républicain français. A-t-on perdu, en France, la plupart des ces repères, quand l’école ne remplit plus son rôle pour cause de système éducatif à la traîne des classements de l’OCDE, quand l’indifférence voire l’agressivité entre les différentes communautés ou corporations hexagonales est à son comble ? Quand on ne vote plus ?
Quant aux commémorations, la France a officialisé depuis la Révolution un « roman national », si cher pendant la campagne des présidentielles à Monsieur Fillon. Ce roman national français n’est pas avare de raccourcis, d’oublis et il est surtout pour d’anciennes nations ou entités comme la Bretagne, la Corse ou encore l’Alsace, totalement révisionniste. Un roman national pourtant entériné sans la moindre précaution par autant de media nationaux qui émettent ou publient, pour 90 % d’entre eux, de l’Ile-de-France.
Pourtant, au moment où la France vote de moins en moins, plutôt que de proposer rapidement d’autres modes de scrutin et un nouveau mode de gouvernance dans les territoires afin de rapprocher les citoyens de leurs institutions, c’est vers les commémorations que le pouvoir français se tourne, comme si les habitants de l’Hexagone étaient définitivement oublieux de l’histoire réelle, et surtout qu’on pouvait les endormir avec des défilés, des préfets costumés, des volées de motards et d’hélicoptère, des tirs de canons, ainsi que procédaient les rois, les empereurs et autres tsars dans un passé relativement lointain.
Où va donc ce pays ? Si nous pouvons donner un modeste conseil, rappelons que lorsque la dictature a pris fin en Espagne, au milieu des années 1970, c’est en parallèle le centralisme madrilène qui a été battu en brèche, c’est le pouvoir des régions et leurs cultures qui ont été valorisés, c’est la proportionnelle qui a été choisie pour l’élection au Parlement, comme dans 24 pays européens sur 27 à l’heure actuelle… Et le rythme des commémorations en uniforme a drastiquement diminué.
La France continue donc, seule en Europe, à jouer la carte d’un système politique à part, à s’inventer et à fêter un passé revu et corrigé, à proposer une organisation territoriale archaïque quand tous les pays européens de taille comparable à la France ont choisi le fédéralisme plutôt que le centralisme.
Pour conclure rappelons que les dictatures ont toujours été hyper centralisées, que toutes les dictatures ont interdit ou tenté de faire disparaître les langues minoritaires, que toutes les dictatures ont contrôlé et centralisé les media à partir d’une seule ville. Que toutes les dictatures ont instauré un roman national qu’il fallait, avec insistance, commémorer.
En continuant ainsi, il n’y aura bientôt plus besoin de voter en France.
Caroline Ollivro
Présidente Breizh Europa