Le 11 novembre prochain, la Bretagne pourra célébrer le 250e anniversaire de la Bataille de Saint-Cast, qui fut un épisode de la désastreuse guerre de Saint Ans (1756-1763) qui s'acheva par la perte de la totalité des possessions de la France en Amérique du Nord.
Voici ce qu'en a écrit Emmanuel Salmon-Legagneur dans son excellent livre (que l'on trouve aujourd'hui dans la plupart des bibliothèques des cinq départements, "Les noms qui ont fait l'histoire de Bretagne" (Coop Breizh et ICB, 1997) :
Après deux tentatives infructueuses à Saint-Malo et à Cherbourg, une flotte anglaise forte d'une centaine de navires, réussit à débarquer près de 8 000 hommes dans la baie de Saint-Briac pendant la nuit du 4 septembre 1758. Alertées, les troupes bretonnes commandées par le duc d'Aiguillon arrivent aussitôt de toutes parts. Les combats ont lieu dans plusieurs localités, de Saint-Briac à Matignon, mais la rencontre principale se déroule près de Saint-Cast. Les Anglais sont contraints de réembarquer avec de lourdes pertes. Cette victoire est rappelée à Saint-Cast par une colonne sculptée qui illustre le courage et la vigueur de la réaction des Bretons face à l'agression étrangère.
Cette bataille a eu à l'époque un très grand retentissement dans toute la province et elle suscita un chant populaire "Emgann Sant Kast" (le combat de Saint-Cast) qui figure dans le "Barzaz Breiz". Il y est question d'une fraternisation inattendue entre combattants bretons et combattants gallois, qui n'a sans doute été qu'un épisode mineur dans cette grande bataille et que certains ont déclaré purement légendaire, mais qui est une bien belle histoire.
Voici comment Théodore Hersart de La Villemarqué présente l'affaire :
... Le combat de Saint-Cast donna lieu à un événement peut-être unique dans les annales de la guerre. Une compagnie de bas Bretons des environs de Tréguier et de Saint-Pol-de-Lon, dit le petit-fils d'un témoin oculaire, marchait pour combattre un détachement de montagnards gallois de l'armée anglaise, qui s'avançait à quelque distance du lieu du combat en chantant un air national, quand tout à coup les Bretons de l'armée française s'arrêtèrent stupéfaits : cet air était un de ceux qui tous les jours retentissaient dans les bruyères de la Bretagne. Électrisés par des accents qui parlaient à leur cœur, ils cédèrent à l'enthousiasme et entonnèrent le refrain patriotique; les Gallois, à leur tout, restèrent immobiles. Les officiers des deux troupes commandèrent le feu; mais c'était dans la même langue, et leurs soldats semblaient pétrifiés. Cette hésitation ne dura pourtant qu'unmoment; l'émotion l'emporta bientôt sur la discipline : les armes tombèrent des mains, et les descendants des vieux Celtes renouvelèrent sur le champ de bataille les liens de fraternité qui unissaient jadis leurs pères.
Sans oser garantir ce fait, aujoute M. de Saint-Pern, nous déclarons qu'il nous a été raconté par plusieurs personnes dont l'opinion peut faire autorité et qu'il est traditionnel dans le pays...
Il en sera certainement question dans le livre que prépare actuellement Yann Lagadec, maître de conférences d'histoire moderne à l'Université de Haute Bretagne Rennes 2, et qui paraîtra à la fin de l'été, avec le soutien de la Société d'Histoire et Archéologie de Bretagne, aux Presses Universitaires de Rennes.